Les quatre poumons

Henri attend depuis des heures pour une radio des poumons. C’est la fin d’après-midi, il commence à s’impatienter. Arrivera-t-il à passer aujourd’hui ? Une porte s’ouvre. Coup d’œil rapide d’un radiologue : « Les quatre poumons suivez-moi ! » Étonnement hésitation d’Henri, « suis-je invité à faire partie du lot ? » Il se rassure : oui, je suis bien venu pour une radio des poumons. Sous le regard des autres, il se lève : « Je suis un des quatre poumons ! » Avec beaucoup d’humour, Henri raconte cet événement mais il reste quelque peu indigné, lui, le philosophe, l’anthropologue, lui qui étudie les concepts de la personne et qui sait toute l’importance du nom et du prénom donné à l’enfant dès sa naissance. Tout être humain est unique, c’est par son nom et son prénom qu’il sera reconnu des siens et de tous ceux qui croiseront son regard. C’est là sa chance de devenir homme ou femme !

Dans la file des poumons qui marchent rapidement à la suite du radiologue, il se dit : Je suis un poumon ! Je n’avais jamais réalisé que je pouvais répondre à un tel appel. En rentrant, dans une salle de cours, on m’appelle « Monsieur », je suis « Papa » pour les miens, « Henri » pour les amis, « Grand-père » pour mes petits-enfants et, dans les couloirs de l’hôpital, « poumon ». Du chemin reste à faire, dit-il encore, pour l’humanisation de certains services hospitaliers et pour le respect des normes qualité.

Depuis plusieurs années, ceux et celles qui interviennent dans le cadre des aumôneries d’hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite parlent de la « personne malade », de la « personne handicapée » et non du malade ou de l’handicapé. C’est ainsi que se révèle le regard qu’ils portent sur elles. Parler du malade c’est ne voir que cet aspect de lui, c’est le réduire à sa maladie, à son handicap... à son poumon peut-être, à sa vésicule biliaire ou à son cancer. Approcher la « personne malade ou handicapée » c’est l’approcher dans sa globalité : père, mère, conjoint, fils, fille, exerçant telle profession, membre de telle association, animée de telles valeurs. Elle n’est pas seulement malade. Sa perfusion ou sa chimio n’enlèvent rien à sa dignité, à son humanité.

Pour faire court, on dit également « sdf » ou « clochard ». N’est-ce pas terriblement réducteur ? Parler de la personne « sans domicile fixe », de la personne de la rue ou de celle qui est sans emploi, serait certainement plus respectueux. Ne serait-ce pas aussi une manière de faire jaillir un regard chargé d’espérance ? Dans la tradition biblique, le prophète évoque un Dieu qui s’intéresse à l’homme. Il met sur ses lèvres ces propos : « Tu comptes à mes yeux, je t’ai appelé par ton nom, je te connais par ton nom ! » Quelle joie d’être alors fils et filles de Dieu !
Alors, Henri, qu’en est-il de ton poumon après cette radio ? Pour moi, c’est sûr, il m’a conduit à faire ce diagnostic !

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/04/2014