L’incommunicable

Avant de se marier à un âge avancé, le philosophe Jean Guitton avait écrit un livre : L’amour humain. Quelques années après il publiait : Une femme dans la maison. Tout ce qu’il avait pensé avant le mariage était mis à l’épreuve de l’expérience d’un amour conjugal vécu au quotidien. Plein d’humour et de sagesse, voilà qu’il permettait à ses lecteurs de faire une approche de l’amour humain bien différente de la seule considération philosophique.

En intitulant son dernier chapitre : L’incommunicable, il évoquait son impossibilité radicale de partager totalement avec son épouse. Tout ce qu’il avait vécu, pensé, imaginé, dans sa journée, tout ce qui l’avait animé, il ne pouvait que le lui suggérer au retour, à la maison. Il exprimait ainsi le manque d’une communication qu’il aurait souhaitée plus riche. C’était la découverte de l’expérience fondamentale de la solitude, même au sein du couple.

Croyant, Jean Guitton pouvait ainsi témoigner de son expérience de solitude qui devint pour lui chemin de spiritualité. “L’incommunicable c’est la pâture de Dieu ; il faut la lui laisser !” écrivait-il. Son propos faisait percevoir son intimité avec Dieu rejoignant ainsi l’auteur du psaume : « Seigneur tu me connais. Tu sais, toi, quand je m’assieds et quand je me lève. Tu pénètres mes pensées à distance. » C’est ainsi qu’à la fin de son livre, l’auteur révélait son chemin d’intimité spirituelle, renvoyant ainsi chaque lecteur à faire, par lui-même, le sien !

Mais privé de tout lien à une transcendance, que devient-on face à cette solitude existentielle ? Le suicide paraît être parfois la seule issue. Une question cruellement lancinante pour l’entourage, qui dit n’avoir rien perçu, si ce n’est un certain enfermement, une sorte de déprime que l’on pensait passagère. Certains suicides peuvent apparaître comme un coup de tonnerre en plein ciel bleu. Silence et respect du défunt s’imposent alors. Le disparu emporte avec lui son propre mystère avec ses interrogations et ses souffrances.

Pour un croyant, la part de nous-mêmes qui reste incommunicable constitue notre secret. J’y perçois l’intimité avec Dieu, source de toute vie. Aussi, bien souvent, nous ne pouvons que rester au seuil de la rencontre de l’autre. Dans un texte du concile Vatican II on peut lire : « La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. » Croyants ou non, sommes-nous fidèles à ce rendez-vous ?

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/09/2014